Shakespeare n’a jamais fait ça : de Charles Bukowski (13e Note Editions, 254 p., 19,50 €)

Publié le par Patrick Foulhoux

Shakespeare-n-a-jamais-fait-ca-.jpgAussi étonnant que cela puisse paraître, il reste des inédits de Buk, en France en tout cas. Le plus surprenant est que celui-là le resta si longtemps. D’autant qu’il revient sur un épisode connu de tous les téléspectateurs français, son mémorable passage à Apostrophes de Bernard Pivot, le 22 septembre 1978. Que personne ne le publia sous prétexte qu’il fût un texte mineur aurait pu se comprendre. Comment un tel ouvrage attendit trente-deux ans pour être édité ? Incompréhensible. Que dis-je ? Inqualifiable ! C’est une œuvre majeure. Bon, ok, je vous l’accorde, je ne suis pas objectif avec ce vieux dégueulasse. Mais là quand même, merde quoi ! La 13e Note commence à prendre une place de plus en plus prépondérante dans le paysage littéraire français, la preuve. Elle vient de bondir de quinze places à mon classement des éditeurs. Ce livre relate la tournée qui commença par Paris chez Bernard Pivot pour s’achever en Allemagne où Bukoswki se rendait pour donner des lectures. Accompagné de sa femme et d’un photographe allemand, Michael Montfort, dont les clichés illustrent cet ouvrage, Bukowski profite de ce voyage pour se rendre à Andernach sur les bords du Rhin où il est né le 16 août 1920. Il y retrouve son vieil oncle Heinrich. Patelin que sa famille quitta pour émigrer aux USA alors que Buk n’avait que quatre ans. Il en profite aussi pour revoir ses rares vrais amis, Barbet Schroeder et son traducteur allemand. Tout est toujours prétexte à écluser des bacholes de pinard. Linda Lee, sa compagne, n’est pas plus raisonnable que lui quand il s’agit de tutoyer la bouteille. Entre Paris et Hambourg, le couple passe quelques jours à Nice où vit la mère de Linda. Le conjoint de madame, oncle Bernard, refuse d’accueillir Bukowski chez lui après le scandaleux numéro d’ivrogne céleste qu’il a donné à Apostrophes. Ils descendent dans un hôtel et passent les journées à se balader et faire les boutiques avec la mère de Linda et se soûler copieusement. Bukowski en profite pour nous gratifier de passages sublimes sur son rapport à l’instant, à l’écriture, à sa relation avec les autres, avec lui-même. Il se cloisonne dans sa bulle sans tain. Il est transparent pour ses contemporains. Il se protège. Il a besoin de peu pour vivre. L’erreur serait de croire que Bukowski est égocentrique. On pourrait diagnostiquer une timidité maladive qu’il surmonte grâce à la vinasse. Son extraordinaire talent est de pointer les déviances de la société à travers son vécu d’une banalité affligeante. D’où l’impression de répétition dont l’affublent ses détracteurs qui ont échoué à percer cette cuirasse qu’il a bétonnée au fil de son Œuvre. Ce qui lui fait dire : « Non, je ne sais vraiment pas pourquoi je suis écrivain. » On a envie de lui répondre “Hé connaud, pour écrire des chapitres comme celui qui débute page 64, d’une lucidité effarante doublée d’un réalisme terrassant !”. Si j’osais, je vous livrerais une ribambelle de citations à la suite, mais je m’en voudrais de vous gâcher le plaisir de les prendre en pleine gueule en dévorant Shakespeare n’a jamais fait ça. Ça, c’est sûr, il n’a jamais fait de tourner comme ça ! Arrêtez de vous tirer sur l’élastique et lisez ce livre immédiatement ou je tue le chien !

 

AAA

Publié dans littérature

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T
Ah, bon, ça y est, c'est décidé, je vais l'acheter celui là! J'ai découvert sa correspondance il y a deux ans, m'en suis pas encore remis....
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