La tête à l’envers, les pieds au mur : de Rob Roberge (13e Note Editions, 173 p., 19,50 €)
Je n’attendais pas La tête à l’envers, les pieds au mur. Lui m’attendait. Tel le vautour perché sur un pylône vermoulu au bord d’une route tranchant le Mojave en deux, Rob Roberge épie une galerie de personnages en bascule, tous frappés d’alignement, cramés par les drogues, siphonnés par l’alcool ou simplement dilatés du bulbe par le soleil. Avec un humour féroce, l’auteur enfonce la Raison à la masse pour la mettre à niveau de la folie ordinaire.
Un recueil de onze nouvelles, onze déchirures qui vont crescendo dans le frappadingue pour en arriver à donner des haut-le-cœur. Onze histoires qui mettent en scène des personnages trop communs pour être qualifiés de freaks, mais suffisamment ravagés des oreilles pour se mettre au fossé. Rob Roberge, c’est l’Amérique déglinguée laissée à l’abandon, celle des arrière-cours, des jardinets-dépotoirs, l’Amérique de La colline a des yeux de Wes Craven, de 2000 Maniacs de Herschell Gordon Lewis, de La foire aux serpents et Car d’Harry Crews. Le style aéré et détaché de l’auteur relativise les bizarreries de l’existence et les saloperies perpétrées au fil des chapitres pour leur donner plus de consistance, à la façon de J.G. Ballard quand il évoque le plaisir au mal dans Crash. La littérature de Roberge commence là où s’arrêtent les voies sans issue. Dans tout ce barnum, un éclair d’humanité traverse La tête à l’envers, les pieds au mur, encore faut-il ne pas mettre la main devant les yeux pour le voir. La peur n’évite pas le danger.
Ne lisez surtout pas ce livre-électrochoc, vous adoreriez !
AAA